Amavita magazine, été 2010
Par le Docteur Daniel Perrenoud, spécialiste FMH en dermatologie et vénérologie (Lausanne)
L’été approche et avec lui reviennent nos interrogations sur la dangerosité de nos taches pigmentaires… Grâce aux campagnes de prévention du mélanome, nous sommes de plus en plus conscients des conséquences néfastes du soleil sur la peau. Cependant, il reste difficile pour tout un chacun de faire la différence entre grain de beauté bénin et cancer cutané. Des mises au point régulières sont donc utiles pour apaiser les angoisses sans minimiser la nécessité de la détection précoce des tumeurs.
Le mélanome se présente généralement comme une tache brune et noirâtre, parfois bigarrée. D’abord plat, il s’étale à la surface de la peau, puis s’épaissit au cours des mois et des années. Comme la plupart des tumeurs cutanées, il est souvent indolore. La croissance des cancers étant par nature anarchique, le mélanome a une forme asymétrique, des bords mal délimités, d’aspect souvent déchiqueté. Sa couleur est inhomogène, le noir ou le brun foncé dominent et il montre une propension à s’étaler en surface, avant de s’épaissir puis de s’étendre en profondeur.
Dépistage et traitement du mélanome
Le dépistage précoce est essentiel ! Si on le détecte pendant sa phase de croissance horizontale, la probabilité qu’il ait métastasé (micrométastases régionales) est faible. Par contre, plus le diagnostic est tardif, plus la probabilité est élevée. Et le traitement des métastases reste difficile et peu concluant à long terme… Il est tout de même encourageant de constater que, si le nombre de cas de mélanome est en augmentation en Suisse*1, la mortalité reste stable. Cela suggère que le dépistage précoce porte ses fruits ! Chez l’enfant, le mélanome est cependant rarissime. Sa fréquence augmente avec l’âge, mais, comparé à d’autres, ce cancer reste courant chez les jeunes adultes. Le traitement du mélanome débutant est simple et rapide. Il consiste à exciser avec une marge de sécurité d’environ 1 cm. C’est une intervention pratiquée au cabinet du médecin en ambulatoire sous anesthésie locale. Des examens complémentaires ne sont pas toujours nécessaires, mais des contrôles périodiques à vie sont indispensables pour dépister une récidive ou un autre mélanome.
Soleil attention danger
On suppose que l’exposition inappropriée au soleil dans l’enfance, en particulier les coups de soleil répétés, facilite l’apparition des mélanomes, même bien plus tard ! La mode du bronzage (qui a connu ses heures de gloire, mais garde ses inconditionnels) a et va avoir de funestes conséquences au cours des années à venir. La prévention du mélanome repose donc sur un comportement responsable et sur une protection efficace dés le plus jeune âge.
Quoi faire ?
Premièrement, l’intensité du rayonnement solaire étant clairement liée au moment de la journée, évitez toute exposition quand le soleil est à son zénith et pendant les 2-3 heures qui le précèdent et le suivent. Les vêtements sont primordiaux, les écrans solaires ne devant intervenir que pour les zones qui ne peuvent être couvertes. Pour les activités de plein air, remplacez la casquette, peu efficace, par un chapeau à larges bords ou une casquette avec rebords latéraux et couvre-nuque. Ne négligez pas non plus la protection des yeux, car les rayons ultraviolets favorisent la cataracte. Lorsque les conditions d’exposition sont extrêmes, comme en haute montagne*2 ou sur l’eau, protégez aussi les zones exposées au rayonnement indirect. Enfin, optez pour un écran solaire à large spectre, UVB/UVA, résistant si besoin à l’eau et uniquement de type minéral pour les enfants. L’indice de protection doit être adapté à l’intensité, à la durée d’exposition et type de peau. Les sites www.melanoma.ch et www.typedepeau.ch de la ligue contre le cancer donnent de nombreuses informations pratiques. »
En résumé, bronzer n’est pas sain ! Le bronzage est une réaction à une agression qui active les mécanismes de formation des cancers. Si la nature nous a pourvus de systèmes de réparation qui nous protègent et éliminent les prémisses de cancers, nous ne sommes pas tous égaux face aux ultraviolets ! En effet, plus notre peau est nordique ou pâle, plus elle est fragile et mérite notre attention. « Ne pas bronzer idiot » n’est pas un but ; en termes de prévention « ne pas bronzer » est l’idéal de beauté*3 et de santé.
« Grains de beauté » les plus fréquents :
« Naevi naevocellulaires » multiples :
Grains de beauté communs. Ils apparaissent dès l’enfance (prédisposition familiale) et se multiplient jusqu’à la trentaine. Contrairement à un préjugé répandu, ils ne peuvent se transformer en tumeur cancéreuse. Toutefois, certains naevi ont un caractère irrégulier qui les rend difficiles à distinguer du mélanome.
Lentigos :
Ils apparaissent de manière prépondérante sur les zones exposées au soleil. Ce sont des taches beiges ou brun clair, planes, bien délimitées, qui apparaissent dans la cinquantaine. Bien que parfois appelés « taches de cimetières », les lentigos sont bénins et ne constituent qu’un désagrément esthétique.
Angiome rubis :
Malformation formée de cavités remplies de sang. Si le débit sanguin y est très lent ou le sang coagulé, une couleur violet foncé peut laisser penser à une lésion pigmentaire. Souvent multiples et de taille variable (1 à 5 mm de diamètre), ils sont fréquents, dus à l’âge et presque toujours bénins.
Kératose séborrhéique :
Ex-croissance beige-brun, à surface rugueuse, verruqueuse, bien délimitée. Elle peut mesurer 2 à 3 cm de diamètre et plusieurs mm d’épaisseur. Cette ex-croissance apparait à partir de la quarantaine (médaille de l’âge) sur le thorax et le visage. Elle est bénigne mais, foncée et de contour irrégulier, peut faire craindre une lésion cancéreuse.
Mélanome :
Tumeur cancéreuse qui se développe à partir des cellules pigmentaires de la peau et évolue lentement sur des mois ou des années. Indolore, elle est d’abord plane, puis prend du relief. Souvent de forme asymétrique, ses contours sont irréguliers et sa teinte foncée ou inhomogène. Un grain de beauté récent dont l’aspect est différent de l’ensemble des tâches pigmentées habituellement présentes doit attirer l’attention.
*1 Environ 2 nouveaux cas pour 10 000 habitants pendant la période 2003-06, Office fédéral de la statistique.
*2 La neige réfléchit jusqu’à 85 % des rayons solaires. C’est pourquoi en haute montagne il est essentiel que toute la peau soit protégée, y compris la nuque, le cou et les mains.
*3 L’effet cumulé, même à faible intensité, des rayons solaires sur la peau est le facteur premier de vieillissement cutané. De manière caricaturale, vivre jeune et bronzé expose fortement à devenir ridé et parcheminé à cinquante ans déjà.
Source: Amavita Magazine
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L’équipe Laseris